Les coutumes funéraires en Gaule du IVe siècle au VIe apr. J.-C.

       L’archéologie funéraire travaille dans deux domaines lorsqu’il s’agit d’identifier les groupes ethniques étudiés, dans un premier temps en anthropologie physique ou biologique, c’est-à-dire les caractères morphologiques des os et tout ce qui peut y être lié (alimentation, combat, …), et dans un second temps sur les pratiques funéraires, soit le mobilier et les caractéristiques des tombes. Les arrivées massives de populations germaniques au cours des IVe et Ve siècles ont entrainé des modifications des coutumes funéraires romaines présentes dans toute la Gaule depuis la conquête dans les années 50 av. J.-C. par Jules César. Aux IVe et Ve siècles la Loire est la limite entre une zone septentrionale plutôt francisée et le royaume wisigoth, avec des coutumes funéraires assez caractéristiques au nord et d’autres moins expressives au sud. Ensuite, avec les années charnières des Ve-VIe siècles, on assiste à l’expansion maximale franque et la prise du royaume wisigoth d’Aquitaine par Clovis et les Francs. La Gaule est donc majoritairement franque.

Sépulture masculine aristocratique mérovingienne à Saint-Dizier (Haute-Marne), milieu VIe siècle © L. de Cargoüet/Inrap

Fig. 1 : Sépulture masculine aristocratique mérovingienne à Saint-Dizier (Haute-Marne), milieu VIe siècle
© L. de Cargoüet/Inrap

Durant le IVe siècle, les troupes barbares au service de l’armée romaine sont identifiables par le dépôt d’équipements militaires au sein de leurs sépultures. Cet équipement est certes généralement de facture romaine, mais les soldats romains n’avaient pas pour habitude de déposer du matériel dans leurs tombes. De plus, les femmes barbares sont inhumées avec leurs époux et avec leurs éléments de parure caractéristiques de leur appartenance ethniques. Cependant, les femmes franques se vêtissent à la mode romaine dès le début du Ve siècle. Ce sont les sépultures masculines et l’intérêt important que les hommes portaient à être inhumés en arme – en référence au statut d’homme libre – qui nous permettent d’identifier plus facilement les Francs. Le cimetière de la Gravette à L’Isle-Jourdain dans le Gers est une découverte importante montrant la présence de Francs dans la région de Toulouse, liée à la conquête de l’Aquitaine, avec des tombes très caractéristiques et la présence d’armes assez nombreuses. Les tombes en arme ont, de plus, une importance particulière puisqu’elles semblent être un indicateur du statut social, suivant le type d’arme et le nombre (épée, angon, casque, cheval, …). Dans les difficultés de l’archéologie funéraire apparait l’attribution de ce mobilier militaire à une population, en reprenant l’exemple d’Anne Nissen-Jaubert, bien que la francisque soit particulièrement liée aux Francs, une sépulture masculine à Vron dans le Pas-de-Calais renferme et une francisque et une poterie de type saxon, ne permettant pas une identification précise du défunt. Ces tombes en arme sont très fréquentes dans les territoires  francs ou saxons, on ne les connait cependant pas beaucoup chez les Wisigoths.

Reconstitution du costume de Childéric Ier  d'après P.Perrin et M.Kazanski

Fig. 2 : Reconstitution du costume de Childéric Ier d’après P.Perrin et M.Kazanski

L’arrivée de Childéric Ier et des Francs a également influencée autrement les coutumes funéraires de la partie septentrionale de la Gaule. Dès 450 apr. J.-C., on voit en effet les premières occurrences d’inhumations habillées. Avec les populations franques, apparait aussi un changement d’organisation des zones funéraires, on trouve alors des « cimetières en rangées » (A. Nissen-Jaubert, 2007) très bien illustrés par le site de Frénouville dans le Calvados, avec la réorientation des tombes sur des axes est-ouest et disposées en véritables rangées. Selon Anne Nissen-Jaubert toujours, cette nouvelle organisation est le fruit d’« influences culturelles réciproques entre des populations gallo-romaines et franques », puisqu’en Germanie l’incinération prédominait.

En ce qui concerne les Wisigoths et les Burgondes, ce sont généralement les sépultures féminines qui apportent des indications sur la présence de ces peuples avec la préservation du costume traditionnel danubien (voir article « Les éléments de parure wisigoths en Hispania aux Ve et VIe siècles ») ou avec la déformation crânienne caractéristique des peuples orientaux, en effet les hommes auraient rapidement adopté la mode vestimentaire romaine. Cependant, dans le royaume wisigoth, au sud de la Loire, les coutumes funéraires restent très pauvres, on trouve très peu de mobilier sur tout la période du Ve siècle au sein des sépultures, mises à part quelques fibules en arbalète et des peignes en os. Selon Michel Kazanski, l’inhumation habillée n’était en aucun cas pratiquée par les Wisigoths

La fin du Ve siècle voit l’expansion maximale du royaume wisigoth avant leur défaite face au Francs de Clovis en 507 dans les plaines de Vouillé. Cette période de troubles suscite des difficultés à attribuer le mobilier funéraire (de plus en plus nombreux) à une population particulière. Au cours du VIe siècle, l’inhumation habillée est pratiquée par tous (Francs ou non) dans toute la Gaule, rendant encore plus problématique les attributions culturelles de certaines sépulture. Cette pratique se généralise par les contacts entre les Francs et des Wisigoths durant la conquête, ensuite entre l’Hispania et la Gaule. Ces contacts sont d’autant plus visibles que des éléments du costume féminin wisigothique sont retrouvés en Gaule septentrionale. Cependant les modalités et les contextes de ces contacts restent encore très débattus et aucune thèse ne semble réellement faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique.

Sépulture de cheval à Saint-Didier, VIe siècle, située non loin de celle d'un mérovingien Image tirée de : http://philippelopes.free.fr/TombesBarbares.htm#IA

Fig. 3 : Sépulture de cheval à Saint-Didier, VIe siècle, située non loin de celle d’un mérovingien

Moins fréquemment, on retrouve sur le sol de la Gaule durant notre période des tombes saxonnes, à Hordain en partie septentrionale par exemple, avec des coutumes propres comme l’incinération ou des tombes de chevaux. Ou encore des sépultures de Vandales (Toulouse) ou de Burgondes (Savoie).

Les migrations barbares et l’acculturation des nouveaux arrivants et des Gallo-romains ont entrainé des changements importants quant aux coutumes funéraires présentes jusqu’alors en Gaule. Selon les peuples, le sexe des individus entraine l’identification ou non de l’ethnie à laquelle le défunt appartenait. L’archéologie funéraire a aussi apporté des précisions sur les vêtements et armes portés et utilisés par les différents peuples, tout en prenant en compte les difficultés d’attribution des sépultures en fonction du matériel archéologique retrouvée en fouille. Les contacts et les échanges peuvent parfois induire en erreur les jugements et analyses qui sont continuellement remis en question, pour obtenir des résultats aux plus proches de la réalité historique. En Gaule, l’évolution des coutumes funéraires est très liée à celle du peuple franc, ses tombes en arme, ses inhumations habillées et ses cimetières orientés et en rangées. A la fin de notre période, on ne parle d’ailleurs plus de la Gaule, mais du Royaume des Francs.

Paul Bacoup


       Sources :

NISSEN-JAUBERT Anne (2007), « Migrations et invasions de l’Antiquité tardive à la fin du premier millénaire : affichages identitaires, intégration et transformations sociales », Archéopages [en ligne], 18, pp. 26-37. Mis en ligne le 06 décembre 2010. Consulté le 24 février 2015. URL : http://www.inrap.fr/userdata/c_bloc_file/6/6893/6893_fichier_dossier18-nissen-jaubert.pdf

STUTZ Françoise (2000), « L’inhumation habillée à l’époque mérovingienne au sud de la Loire », Mémoires de la société archéologique du midi en France [en ligne], 60, pp. 33-47. Consulté le 23 février 2015. URL : http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/t_60/33-47FST.PDF

            Clio et Calliope, Archéologie et rites funéraires [en ligne]. Consulté le 23 février 2015. URL : http://www.clioetcalliope.com/medieval/rite/rite.htm

Fig. 1 : INRAP (2012), Découverte de tombes aristocratiques mérovingiennes à Saint-Dizier (Haute-Marne) [en ligne]. Consulté le 5 mars 2015. URL : http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-97-Decouverte-de-tombes-aristocratiques-merovingiennes-a-Saint-Dizier-Haute-Marne-.htm

Fig. 3 : Philippe Lopes,Tombes Barbares (Saint-Dizier, France) [en ligne]. Consulté le 5 mars 2015. URL : http://philippelopes.free.fr/TombesBarbares.htm#IA

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